Terres agricoles en danger

[MAI 2017]

terres agricoles.jpg

Un peu partout dans le monde, la croissance démographique fait disparaître des terres agricoles sous la pression de l'urbanisation et des infrastructures de transport. Ce phénomène touche plus particulièrement les meilleures terres situées en plaine et en fonds de vallées. Il s'accélère avec la mondialisation et le développement du commerce par  Internet, dont les plateformes logistiques consomment des surfaces impressionnantes de terres comme on en voit de plus en plus dans le Nord-Isère. En Rhône-Alpes, ce sont plus de 6000 ha, soit l'équivalent de plus de 8000 terrains de foot, qui disparaissent chaque année sous le bitume et le béton ! L'augmentation des rendements a longtemps permis de compenser la perte de surfaces agricoles, mais l'intensification de l'agriculture basée sur l'agrochimie n'est pas durable car elle dégrade sols et nappes phréatiques, tout en imprégnant de pesticides les aliments que nous consommons. Les sols perdent progressivement leur matière organique et se tassent sous l'effet des engins agricoles, leur vie microbiologique s'appauvrit, réduisant leur capacité de production et leur résistance à l'érosion.
Pour préserver notre sécurité alimentaire et éviter des importations aberrantes pour un pays doté de riches terres  agricoles, il apparaît aujourd'hui stratégique de conserver nos surfaces agricoles de bonne qualité. Les Chinois, qui font face au même problème mais à une toute autre échelle, en sont bien conscients : ils achètent des terres à bon marché dans des pays pauvres, en Afrique notamment, pour leurs besoins futurs. Il devient urgent de réfléchir à une gestion plus "durable" de notre patrimoine foncier agricole avec une vision à long terme, en prenant en compte en parallèle l'intérêt commun d'une production de proximité, en évitant autant que possible le recours à l'agrochimie (nous sommes sur la bonne voie avec une progression de +16% de surfaces cultivées en "bio" en 2016 par rapport à 2015 en France).
Face à l'accélération de la perte de terres agricoles, des associations d'agriculteurs, des instituts de recherche et des organisations non gouvernementales ont lancé auprès de la Commission Européenne une initiative citoyenne appelée "people4soil " (pétition sur www.people4soil.eu/fr) afin d'obtenir une législation permettant la protection des sols. Cette initiative a pour but de relancer la commission suite à un premier projet qui n'a pas abouti en 2004, pour qu'elle élabore un cadre juridique reconnaissant le sol comme patrimoine commun et visant à en assurer une gestion durable. À un niveau plus local, notre territoire subit une forte pression d'urbanisation. Ayons à l'esprit cette nécessité dans nos réflexions sur le développement de notre territoire, notamment lorsque des terrains non construits sont mis en vente dans nos communes. Une agriculture moins industrielle, valorisant ses produits localement, crée des emplois moins précaires et au moins aussi valorisants  que ceux du commerce par Internet qui a beaucoup recours au travail intérimaire. Conserver des terres autour des villes est à la fois nécessaire pour une production de proximité et de qualité (que ce soit en céréaliculture et élevages, ou en jardins collectifs ou individuels intégrés à l'urbain) et pour réduire les risques d'inondations car l'imperméabilisation des sols est en grande partie responsable de la rapidité et de l'intensité croissantes de ces phénomènes.